La notion de « sobriété » plonge ses racines dans des traditions philosophiques et religieuses anciennes (souvent associée à des termes comme la modération, la tempérance ou la frugalité). Mais les interrogations sur les modes de vie modernes lui donnent aujourd’hui un renouveau et un intérêt croissants.

Le graphique ci-après montre la répartition de la densité des titres autour de la
« sobriété » d’un corpus significatif de publications françaises en ligne entre 2002 et 2021. Il est clair que sur la période concernée la densité des titres autour de la « notoriété » présente une tendance haussière quasi-linéaire. Par ailleurs, nous pouvons remarquer que la décennie 2012-2021 a été nettement plus dense en titres de publications françaises en ligne autour de la « sobriété » que la décennie 2002-2021.

La « sobriété » n’a pas une définition figée et unique. Elle regroupe des réalités multiples. Mais, les diverses approches de la « sobriété » ont un dénominateur commun : c’est la recherche de la modération dans la production et la consommation de produits, de matières ou d’énergie. La cartographie sémantique ci-après nous donne une vue d’ensemble des milles facettes prises par la sobriété au cours de ces deux dernières décennies (2002-2021). Trois approches de la sobriété ont été particulièrement structurantes : la « sobriété énergétique », la « sobriété numérique » et », la « sobriété heureuse ».

La « sobriété énergétique » est née du constat que les ressources en énergie, notamment fossiles, ne sont pas illimitées. Partant, consommer moins d’énergie permettrait directement de préserver notre environnement en limitant l’émission de gaz à effet de serre. Oui, mais comment ? Eh bien, en baissant notre consommation d’électricité, en optimisant le chauffage de nos habitations, en allant au boulot à vélo, en voyageant moins souvent et moins loin, en se mettant à l’éco-conduite, etc. Facile à énoncer, difficile à faire. On peut remarquer sur la cartographie sémantique de la sobriété la mention de l’association française « négaWatt ». La « démarche négaWatt » de cette association fondée en 2001 s’appuie sur la sobriété, l’efficacité énergétique et le recours aux énergies renouvelables pour réduire la consommation des énergies fossiles et sortir progressivement du nucléaire.
Quant à la « sobriété numérique », elle est une expression forgée par l’association française GreenIT.fr pour désigner la démarche qui consiste à concevoir des services numériques plus sobres et à modérer ses usages numériques quotidiens. « Créée en 2004, GreenIT.fr est la communauté des acteurs du numérique responsable qui s’intéressent, entre autres, à la sobriété numérique, à l’écoconception des services numériques, à la lowtech, et plus globalement à un avenir numérique alternatif. » Dans son rapport 2018 intitulé « Lean ICT – Pour une sobriété numérique », l’association française « The Shift Project », créée en 2010, définit le passage à la « sobriété numérique » comme étant le passage d’un numérique instinctif voire compulsif à un numérique piloté, qui sait choisir ses directions. Et d’ajouter : « Déployer la sobriété numérique, c’est piloter nos choix technologiques, les déploiements d’infrastructures et d’usages associés afin de préserver les apports essentiels du numérique. »
Pour de nombreux mouvements citoyens, comme le « Mouvement Colibris » la démarche de sobriété est associée à une augmentation du bien-être et du bonheur. Pierre Rabhi, paysan défenseur de l’agroécologie, écrivain et penseur français, ami de Thomas Sankara (les deux hommes s’admiraient, selon un témoin privilégié de la Révolution burkinabè, Jean Ziegler), est l’auteur d’un livre publié en 2010 qui a fait beaucoup sensation : « Vers la sobriété heureuse ». L’évidence qui s’est imposée à Pierre Rabhi c’est que « seul le choix de la modération de nos besoins et désirs, le choix d’une sobriété libératrice et volontairement consentie, permettra de rompre avec l’ordre anthropohage appelé « mondialisation ». Pour remettre l’humain et la nature au cœur de nos préoccupations ». Vivre heureux dans la simplicité donc ! Rappelons aussi que le « Mouvement Colibris » cher à Pierre Rabhi porte l’idée que chaque citoyen peut faire sa part pour changer les choses qui paraissent désespérées et ainsi créer un monde où il fera bon vivre pour tous et dans le respect de l’environnement.
Je ne les détaillerai pas ici, mais nous pouvons observer que beaucoup d’autres secteurs sont aussi concernés par la question de la sobriété. Je cite en vrac : foncier, urbanisme, logement, bâtiment, jardins, architecture, aménagement, design, bureau, patrimoine et musées, art, élégance, beauté, luxe, marques, santé, cuisine et restauration, cinéma, automobile et moto, eau, matériaux, économie de façon générale (problématique de la croissance/décroissance), etc. Bref, la problématique de la sobriété traverse pratiquement tous les secteurs de notre vie économique et sociale.
Pour terminer, il est intéressant de visualiser l’évolution dans le temps de la référence aux trois approches structurantes de la sobriété dans les titres de publications françaises en ligne entre 2002 et 2021 (« sobriété énergétique », « sobriété numérique » et « sobriété heureuse ») auxquelles j’ajoute une quatrième approche, la « sobriété foncière ». Comme nous pouvons le constater sur le graphique ci-après, la « sobriété numérique » et la « sobriété foncière » semblent particulièrement avoir pris de l’ampleur ces deux-trois dernières années (Attention, les chiffres sur le graphique ci-après expriment la répartition des taux de densité sur la période 2002-2021). Notons qu’en ce qui concerne la « sobriété foncière », elle fait écho au lancement à l’automne 2020 par le gouvernement français de la démarche dite des « Territoires Pilotes de Sobriété Foncière ». Une démarche qui vise à lutter contre l’étalement urbain et à protéger les patrimoines urbains agricoles, forestiers et naturels en s’appuyant sur les collectivités et sur des projets pilotes. Voilà une démarche qui devrait attirer l’attention de Monsieur Bénéwendé Stanislas Sankara, notre ministre de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Ville.

Vous l’aurez compris, j’ai analysé ici des titres de publication françaises en ligne. Deux questions me viennent alors à l’esprit : « Et dans les titres de publications africaines en ligne, que se dit-il autour de la notion de sobriété ? Les préoccupations sont-elles les mêmes ? » Ces questions aiguisent ma curiosité, mais je n’ai pas encore eu le temps de regarder. Affaire à suivre donc !

Ousmane SAWADOGO, Consultant TM & Text Analytics
Kaceto.net