Dans l’histoire des conflits armés (nous apprend-on), l’artillerie est réputée comme l’arme faisant très souvent la décision. Or, dans la guerre asymétrique que nous livrent les groupes terroristes depuis plus de cinq ans, celle du Burkina Faso n’a jamais tonné alors que la menace se métastase au point de déborder du Soum, son épicentre initial pour s’étendre à des zones lointaines. Les principaux sanctuaires de l’ennemi sur le territoire national sont pourtant connus et répertoriés par nos renseignements selon des sources concordantes.

Manifestement, nos aéronefs font un travail déjà non négligeable même si l’on attend encore d’avantage. On ne dira pas autant pour l’artillerie qui brille par un mutisme éloquent. Pourquoi et qu’attend-on pour son entrée en scène ?
Le tragique amoncellement des victimes des attaques terroristes endurées depuis 2015, semble avoir produit un variant du burkinabè dénué celui-là de la réputation de vaillance et d’intégrité d’antan. A moins qu’elle ne l’ait simplement révélé. En effet, contrairement aux malheureuses guerres de 1974 et 1985 qui ont connu de fortes mobilisations populaires et fortifié l’unité de la nation, celle imposée aujourd’hui par des groupes terroristes se réclamant de l’islam est en passe d’ébranler la cohésion et le vivre ensemble. Or, il s’agit d’un conflit armé volontairement meurtrier et qui devrait interpeller les Burkinabè individuellement et collectivement en raison des motivations de l’agresseur qui sont la conquête de notre territoire et l’instauration d’un modèle de société moyenâgeux interdisant les délices de celle dans laquelle nous vivons. Pour ces raisons, cette guerre ne devrait pas être l’apanage des FDS encore moins du gouvernement comme ont tendance à le croire de nombreux compatriotes intoxiqués par des canaux de communications malveillants.
En rappel, l’emblématique général GIAP vietnamien qui peut se targuer d’avoir vaincu successivement les puissantes armées françaises et américaines est un professeur d’université et non un militaire de métier. C’est dire que chacun de nous a un rôle à jouer. Ainsi, en première ligne, nos braves FDS devraient avoir le soutien de la nation entière, pas seulement du bout des lèvres. Chacun doit jouer sa partition ne serait-ce qu’en priant pour nos frères ou enfants engagés dans la bataille sur différents théâtres, en leur expliquant la noblesse de la cause défendue ou en les galvanisant par tout autre moyen. Les démotiver comme le font sournoisement certains, est un acte de complicité fortement répréhensible.
Cela dit, est-ce pour autant, que nous devons nous abstenir de les critiquer objectivement ? Selon le mot de Charles PEGUY, qui ne gueule pas la vérité quand il la sait, se rend complice des menteurs et des faussaires. Il faut noter que depuis l’entrée de notre pays dans l’œil du cyclone terroriste, les acteurs de la lutte antiterroriste régulièrement cloués au pilori sont les renseignements et le gouvernement. Si le gouvernement par divers canaux se défend tant bien que mal, les hommes de l’ombre n’ont aucune opportunité en raison de leur nature qui en fait les béliers sacrificiels de la situation. Payant le plus lourd tribut dans la bataille, les troupes terrestres sont en revanche soigneusement ménagées, voire protégées comme un fétiche familial. L’argument du subversif sapeur du moral est suffisamment redouté. Alors, l’émotion compréhensible devrait-elle nous contraindre à surfer sur l’écume des vagues médiatiques, choisir la posture douillette de l’indifférence ou prendre le risque d’une critique peu accommodante avec les risques qui en résultent ? Nous pensons qu’il ne faut pas craindre de déplaire.
Avec la hauteur qu’on lui connait, l’ancien Président de l’assemblée nationale Monsieur Mélégué TRAORE a dit mardi dernier dans une interview magistrale la quintessence de ce qui devrait l’être sur la crise terroriste. Nous pensons sur la base d’informations émanant de sources crédibles, prolonger son exercice de vérité à la problématique du rôle attendu de l’artillerie burkinabè dans la lutte contre l’hydre terroriste. Sauf démenti reposant sur des faits tangibles, depuis le début de la crise, la seule fois qu’elle s’est manifestée, c’était pour des tirs de démonstration à l’occasion d’une visite du ministre d’Etat Sy Chériff dans la région du Nord.
Loin de rassurer, ladite démonstration avait quelque chose de pathétique d’autant qu’on attend des grands chefs militaires des réactions à la hauteur de nos peines. Avec la maitrise du ciel, des salves intensives de notre artillerie sur les bases connues des groupes terroristes mettraient ces derniers en grande difficulté. Pourquoi rechigner à le faire ? Dans certaines zones, l’alibi de la crainte de dégâts collatéraux dont seraient victimes des populations civiles n’est pas recevable pour la simple raison que les terroristes (et ce n’est un secret pour personne) en assurent le contrôle exclusif. Nous sommes en guerre contre un ennemi qui ne s’interdit rien et non en opération de rétablissement d’ordre. Le choix des moyens disponibles à mettre en œuvre pour la gagner incombe au commandement militaire et non au pouvoir politique. Il faut rappeler que la crainte qu’inspirait notre armée, avait été forgée par les exploits de son artillerie dans le conflit libérien. Certains parmi les artilleurs qui ont démontré à l’époque leurs prouesses, brûlent d’envie d’être remobilisés pour aller en découdre avec les forces du mal. Avec des pièces d’une portée atteignant des dizaines de kilomètres, les artilleurs burkinabè sont bien capables de réduire certaines bases terroristes sans trop risquer la vie des hommes, le ratissage n’intervenant qu’après les pilonnages.
Au cas où cela pourrait rassurer, il faut retenir que les objectifs civils servant par perfidie l’ardeur belligérante, perdent leur protection et deviennent des cibles militaires à traiter sans état d’âme. Certes, le Burkina Faso n’est pas une puissance mondiale pour se permettre des libertés avec le droit de la guerre. Ce faisant, les mêmes puissances disposant de détails sur les différentes situations des zones sahéliennes affectées par la menace terroriste, on les voit mal nous dénier notre droit à l’autodéfense. Cela constituerait de leur part un aveu flagrant de complicité avec les groupes terroristes. Les affabulations de certaines organisations entretenant une subversion subtilement au seuil de la belligérance ne devraient pas constituer des mythes incapacitants pour nos hauts gradés militaires face à l’impérieuse mission de défense de la patrie. Après le retour de la paix, on réparera les dégâts causés par notre artillerie et dont on ne pouvait véritablement faire l’économie.

Vincent Sawadogo
Pour Kaceto.net