Les producteurs français de champagne se sont finalement pliés à la volonté de la Russie de coller l’appeler "Vin mousseux" à leurs productions tandis que l’appellation "Champagne" sera réservée aux vins pétillants russes. Après un boycott de plusieurs semaines, ils ont finalement repris hier 15 septembre les exportations de leur champagne vers la Russie, un marché qu’ils ne peuvent bouder.
Décryptage de ce bras de fer qui a tourné à l’avantage de la Russie dans le texte ci-contre produit par l’Ecole de guerre économique.

Ces derniers mois, une actualité a alerté le monde du vin français et particulièrement les producteurs de Champagne. En cause, la Russie ayant interdit la vente de Champagne français si le mot “Champagne” reste apparent en cyrillique sur les bouteilles en provenance de la région portant le même nom. De quoi susciter la colère des producteurs français mais aussi du Quai d’Orsay.

La Russie n’en est pas à son premier coup d’essai et cette nouvelle offensive revêt des intentions multiples et notamment la déstabilisation d’un des piliers de la culture française. L’intérêt pour l’appellation Champagne et son usurpation ne datent pas d’aujourd’hui. En effet, au 19è siècle, après que le procédé de fermentation du champagne que nous connaissons aujourd’hui, a été mis au jour scientifiquement par le pharmacien châlonnais Jean-Baptiste François, certains négociants de Touraine cherchent à usurper des noms de marques et de crus champenois. Pour s’en prémunir, les Maisons de champagne créent un Comité central en 1843 sous la direction d’Henri-Louis Walbaum.

La Loi fédérale russe 345-FZ

Appellation protégée depuis 1887 et inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco, le breuvage de toutes les fêtes et célébrations a été rétrogradé en "vin pétillant" en Russie par la promulgation de la loi fédérale russe 345-FZ le 2 Juillet 2021. Le décret gouvernemental N°1575 Russe rappelle aux producteurs français l’obligation d’inscrire en cyrillique différentes indications sur les produits commercialisés, notamment le nom du produit. Or, la nouvelle loi ne permet plus qu’aux vins effervescents produits en Russie à base de raisins russes d’apposer le nom “Shampanskoÿé” et ne permet donc plus au Champagne français l’utilisation de ce dernier. Impossibilité de commercialiser en Russie avec les lettres latines, impossibilité d’utiliser “Shampanskoÿé”, les producteurs français se retrouvent donc contraint d’utiliser un autre terme pour nommer leurs Champagne, en cyrillique.

Le terme Champagne est une appellation d’origine française délivrée sous des conditions particulières aux producteurs locaux, et ne peut donc être utilisé par d’autres pays. La décision sonne d’autant plus comme une provocation que l’amendement indique clairement que la législation russe ne tiendra pas compte de la protection de l’appellation française "Champagne AOC". Ce statut est pourtant protégé par le Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (CICV) - organisme semi-privé semi-public ayant pour vocation à défendre le droit et les intérêts communs des vignerons et des négociants producteurs du vin de Champagne - qui mène une bataille permanente, dans le monde entier, pour empêcher les ersatz de proliférer.

Déjà engagée dans d’homériques guerres du gouda face aux Pays-Bas et du parmesan face à l’Italie (cette dernière ayant été forcée par la Russie et son directeur du Syndicat des Fromagers Russes, Oleg Sirota, à reconnaître la Crimée comme Russe afin d’être autorisée à commercialiser le parmesan en Russie, le but final du directeur étant aussi de permettre in fine aux producteurs de fromages Russes de réussir à produire un “parmesan” pouvant rivaliser techniquement et commercialement avec l’original italien) pour faire reconnaître l’hégémonie russe en Crimée, le Kremlin s’en est également pris aux tomates azéries prétextant des raisons sanitaires du fait du rôle de l’Azerbaïdjan face à l’Arménie dans la guerre au Haut-Karabagh. La Russie a aussi stoppé toutes les importations françaises de porcs en raison, officiellement d’une apparition d’un cas de peste porcine dans les pays de l’Est, toujours, dans un contexte conflictuel avec l’Ukraine et l’annexion de la Crimée.

A la suite de l’annonce de la loi fédérale russe du 2 Juillet,, trois Ministres français se sont saisis de l’affaire et se sont rendus en Champagne souhaitant répondre de manière forte à la Russie, risquant cependant une escalade des tensions. Un courrier a été adressé à leurs homologues russes durant le mois de Juillet, resté sans réponse. Une réaction des Ministres et des acteurs du champagnes très forte mais nuancée par une approche plus stratégique de la part du CIVC et de l’Union des Maisons du Champagne, préconisant une certaine retenue, favorisant des échanges gagnant-gagnant comme il a déjà été le cas avec d’autres pays par le passé.

Quelle protection pour le Champagne ?

Un groupe de négociants champenois a permis une mise en place très tôt d’une protection de l’appellation en France, par un jugement du Tribunal correctionnel de Tours le 12 septembre 1844 (confirmé en appel par la Cour de Cassation dans un arrêt du 12 juillet 1845). Il s’agissait en réalité d’une interprétation nouvelle et extensive de la loi du 28 juillet 1824 (relative aux altérations ou suppositions de noms sur les produits fabriqués). Puis, sur le même fondement, la Cour d’Appel d’Angers, dans un arrêt du 11 avril 1889, confirmé par la Cour de Cassation le 26 juillet 1889, a précisé : “On ne peut entendre par Champagne qu’un vin à la fois récolté et fabriqué en Champagne, ancienne province de France, géographiquement déterminée et dont les limites ne sauraient être étendues ni restreintes”. Il s’agit d’un aboutissement jurisprudentiel, obtenu par le Syndicat du commerce des vins de Champagne créé en 1882, et ensuite conforté par la loi du 6 mai 1919 relative à la protection des appellations d’origine et plus tard par le droit communautaire applicable dans les États membres. A peine créé, le Syndicat doit faire face à une attaque des Saumurois, affirmant que le champagne n’est pas un vin “naturel” mais un vin “fabriqué” désignant donc davantage une méthode qu’un terroir. La Cour d’appel d’Angers tranche en faveur des Champenois.

Le Syndicat comprend que pour défendre le nom “champagne” à l’extérieur de la Champagne, il devient impératif de commencer par fixer des règles précises pour l’élaboration du champagne en Champagne. Hors de France et du cadre européen, la protection a été pendant longtemps très embryonnaire. Deux jurisprudences favorables ont apporté une protection dans les pays concernés : la décision de la Cour d’Appel de Londres le 16 décembre 1960 à l’encontre d’un vin mousseux Spanish Champagne et la décision de la Cour d’Appel de Nouvelle-Zélande le 5 décembre 1991 interdisant un vin mousseux dénommé Champagne en provenance d’Australie. La fameuse loi de 1887 indique clairement que le nom "champagne" ne peut être donné qu’à cette boisson produite dans une zone précisément délimitée (en gros l’Aube, la Marne, la Haute-Marne, de Reims à Troyes en passant par Épernay) et selon une méthode bien établie. Pas question par exemple pour un Chant d’Éole ou un Ruffus belge, pourtant très proches tant géographiquement qu’en cépages et/ou en méthode, de s’approprier le terme "Champagne". Il y a donc une protection géographique, mais aussi des procédés de fabrication.

De nombreux combats ont ainsi été menés par le CIVC dans le but de protéger l’appellation Champagne, et qu’elle soit conservée et destinée à son véritable usage. Une procédure a été mise en place afin que cette appellation ne devienne petit à petit protégée dans chaque pays, avec parfois des déboirs, comme en Inde ou au Brésil par exemple, où le nom Champagne était utilisé depuis de nombreuses années afin de définir un quelconque vin mousseux ou même des entreprises (en Inde, Champagne Indage par exemple). Mais aussi en Argentine, aux Etats-Unis ou en Chine. Cette dernière, ne respectant pas les règles d’attribution du nom Champagne (l’ayant attribué à de simples vins effervescents Chinois), Pékin a finalement reconnu l’appellation protégée Champagne en 2013 après un combat mené par le CIVC et une visite du Président de la République, François Hollande. La réussite a consisté en la simple reconnaissance, en Chine, de l’appellation protégée, permettant in fine aux producteurs français de pouvoir se défendre sur le terrain juridique, que ce soit en France comme en Chine et ainsi continuer à valoriser un savoir-faire national.

De ce cadre-là, le CIVC a permis la mise en place d’un mécanisme national d’enregistrement et a même incité certains pays à la création de leur propre indication protégée en accompagnant les acteurs locaux. La procédure au Brésil a été plus compliqué car le Champagne était même utilisé culturellement et politiquement, la ville de Garibaldi, capitale du Rio Grande do Sul, le principal état brésilien producteur de vins mousseux, a dû abandonner sa communication sur le slogan “Capitale du Champagne”, qui figurait notamment sur d’imposants arcs de triomphe ; et le Festival du Champagne, qu’elle organisait depuis de nombreuses années, a été débaptisé à la suite d’échanges entre le CIVC et les autorités Brésiliennes.

A qui profite l’offensive russe ? Les réactions

La Russie est le 15e marché d’exportation du champagne, avec environ deux millions de bouteilles sur les 150 millions vendues en moyenne chaque année hors de France, soit 501 millions d’euros. Le pays a cependant sa propre histoire du “vin à bulles”, liée à la Crimée, terre de vignes. Nul doute qu’il bénéficiera de cette situation. "Abrau-Durso", premier producteur de vin effervescent en Russie, avec 40 millions de bouteilles vendues en 2020, a vu son cours de bourse croître depuis les annonces du Kremlin. Ce qui avait déjà été le cas, en janvier dernier, après que Vladimir Poutine, friand de viticulture, a déclaré qu’il se verrait bien travailler en tant que juriste dans cette entreprise à l’issue de sa carrière politique. Un retour historique permettra de comprendre, ou du moins de prendre du recul sur les décisions concernant le vins mousseux en Russie.

La production de vins mousseux en Russie a en effet débuté en Crimée puis dans la région de Rostov-sur-le-Don dans les années 1850-1870. Par la suite, une décision de Staline, le 28 juillet 1936, a initié une fabrication massive afin que chaque famille russe puisse consommer le dimanche une bouteille de vin mousseux. Et le nom Shampanskoÿé, en caractères cyrilliques, qui signifie vin de Champagne en langue russe, a été conçu pour désigner et présenter cette production, selon une méthode spécifique de fermentation en continue dans de grandes cuves, à partir de vins de base importés de différents pays (voir la procédure champenoise). Plus récemment, quelques entreprises se sont lancées dans l’élaboration de vins haut de gamme, à partir de raisins issus du vignoble russe, selon la méthode traditionnelle de seconde fermentation en bouteille. La production totale est d’environ 260 millions de bouteilles qui sont essentiellement consommées sur place ou dans les pays de l’ancienne Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS). Ce n’est qu’à partir de 1997 que le sujet a commencé à être évoqué au sein de la Commission Franco-Russe de coopération bilatérale, présidée par les premiers ministres des deux pays et qui se réunit chaque année.

Faute de progrès significatifs dans la discussion, le CIVC a décidé en 2009 de traiter lui-même et directement le sujet. Des rencontres, à Moscou et en Champagne, avec les différentes administrations concernées et l’association regroupant les producteurs de vins mousseux, ont abouti à la signature en 2010 d’un protocole d’accord qui acte le principe d’un abandon de l’usage de Shampanskoÿé à l’issue d’une période de transition de 15 à 20 ans. Poursuivant la négociation, le CIVC a convaincu un premier producteur, Boris Titov, de lancer un nouveau vin mousseux présenté sans la désignation Shampanskoÿé, et c’est ce vin que le président Vladimir Poutine a choisi pour les cérémonies officielles des Jeux olympiques d’hiver à Sotchi en 2014. D’autres producteurs ont alors suivi cet exemple et certains se sont regroupés pour définir des indications géographiques destinées aux vins issus du vignoble russe. Mais il faudra encore du temps pour atteindre un abandon complet et la modification de la législation consacrant la généricité de Shampanskoÿé.

Or, la nouvelle loi vise justement à mettre en avant le mousseux russe, dans une logique protectionniste, en plein contexte de tensions avec l’Occident. L’acte profite notamment à la famille Titov, propriétaire du groupe spécialisé dans la production et le tourisme du vin Abrau-Durso, mais également à la famille Kovaltchouk, hommes de confiance à Moscou et grands investisseurs en Crimée. Fondé en 1870 par décret de l’empereur Alexandre II, le domaine viticole d’Abrau-Durso est passé en 2006 des mains de l’Etat russe à celles du SVL Group de Boris Titov, qui s’est donné la mission de redorer le blason de la maison, abîmé par les années soviétiques. Après l’apposition de la mention "qualité Kremlin" sur ses bouteilles en 2009, Abrau-Durso a racheté à LVMH en 2010 le domaine du Château d’Avize, dans la Marne. Boris Titov en a confié les clés à l’œnologue français Hervé Jestin jusqu’en 2016, avant de remplacer ce dernier par Alexeï Skvortsov puis de s’éloigner de la société gérant le domaine.

Outre les Titov, la famille Kovaltchouk peut se réjouir de cet élan protectionniste sur l’appellation du shampanskoïe. L’oligarque financier Iouri Kovaltchouk est l’un des hommes forts du Kremlin dans la péninsule de Crimée (ce qui lui a valu une place sur la liste des sanctionnés par le Trésor américain en 2014). Il contrôle depuis 2017 le producteur de "champagne" criméen Novy Svet et depuis 2020 la cave Massandra, toutes deux via Yuzhny Proyekt, une filiale de Rossiya Bank dont il est l’un des fondateurs (lors d’une mise aux enchères de la propriété, Massandra représentant 4000 ha de vignes, pouvant produire jusqu’à 19 millions de bouteilles de vin et possédant encore un potentiel d’extension de 7000 ha, est estimée à au moins 10 millions de dollars par des experts). La volonté étant de se diriger vers la création d’une zone touristique avec la construction d’Hôtels, de salles de dégustation, d’installations d’élevage pour accroître l’attractivité de la région et ainsi créer une dynamique d’oenotourisme.

En Europe, on perçoit cette action comme une offensive des Russes, mais cet acte n’est pas forcément porteur de bonnes nouvelles, du moins à court terme, pour les producteurs Russes ou même synonyme de gains faciles simplement grâce à la nouvelle appellation. Comme le rapporte Pavel Titov (PDG d’Abrau-Durso), à la suite de l’annonce de la nouvelle législation, la production russe de mousseux a déjà baissé d’un tiers au premier trimestre 2021, par rapport à 2020 (37 millions de litres). L’impact est colossal pour des producteurs, comme Vins de Saint-Pétersbourg, qui a vu sa production fortement diminuer. En effet, la nouvelle législation impose que pour apposer la nouvelle appellation shampanskoïé (« de champagne ») sur la contre-étiquette de ses bouteilles produites par méthode traditionnelle, les vins devront impérativement être fait à partir de raisins cultivés en Russie, ce qui n’était pas le cas pour une grande partie des productions. Selon le PDG du leader Russe de vins mousseux, il s’agit là d’une tentative de l’Etat d’assainir le marché national pollués de contrefaçons et d’utilisations abusives du terme shampanskoïé par des producteurs bas de gamme.

Le détail a moins fait parler mais ce décret contesté touche aussi au porto portugais et au cognac français : 100 % du raisin devra avoir été cueilli sur le territoire russe pour que l’alcool puisse bénéficier de l’image de ces appellations étrangères. De quoi laisser amère l’Arménie qui venait tout juste de se plier aux injonctions de Bruxelles, qui lui réclamait de ne plus utiliser l’appellation "cognac". Le cognac arménien est très réputé en Russie et dans les pays du Caucase ; il devra désormais concurrencer le russe sans son appellation, elle-même illégalement empruntée à la France.

Dans une tribune publiée par la Novaïa Gazeta, le politologue Andreï Kolesnikov a résumé la situation avec ironie : "Nous devons être les premiers partout, des missiles Iskanders jusqu’aux vaccins. Nous ne faisons pas confiance aux classements mondiaux reconnus, par exemple, dans le domaine de l’enseignement supérieur, et nous nous efforçons de créer le nôtre, où nos universités devraient naturellement se trouver en première place. Cette auto-illusion est inquiétante mais la population doit être convaincue que la Russie est la meilleure. Ce mélange de complexe d’infériorité et de syndrome de supériorité se termine par des victoires ridicules sur le front du champagne."

Quelles sont les conséquences ?

Malgré la position de Moët Hennessy qui a stoppé ses exportations dès la manoeuvre russe, un communiqué de LVMH a bien assuré que les exportations reprendront dès lors que les produits seront remis aux normes du pays important la marchandise « Les Maisons de Champagne de Moët Hennessy ont toujours respecté la législation en vigueur partout où elles opèrent et reprendront les livraisons au plus vite le temps d’effectuer ces ajustements », le Groupe acceptant dès lors les nouvelles normes imposées par la Russie. Malgré les positions opposées du CIVC et de l’UMC qui ont pourtant conseillés de stopper toutes les exportations vers la Russie et ne pas rentrer dans le démarche d’adaptation des étiquettes. Dernièrement, la décision a été prise de redémarrer toutes les exportations de Champagne en destination de la Russie en respectant bien les normes russes nouvellement décidées à compter du 15 Septembre dans le but d’éviter toute escalade et de ne pas perdre à terme un marché qui reste conséquent et permettre surtout de satisfaire l’ensemble des clients.

L’arrivée d’un proche du pouvoir Russe à la tête de Abrau-Durso qui a ensuite racheté un domaine champenois et placé assez rapidement un de ses éléments à la tête du domaine aurait dû mettre la puce à l’oreille des autorités françaises de la politique offensive Russe. De plus, la Russie accepte un accord avec le CIVC en 2010 avec des résultats attendus à 15 ou 20 ans pour finalement, 11 ans plus tard revenir complètement sur cet accord et même attaquer directement les entreprises françaises en les destituant de leur véritable appellation si elle souhaite continue à la commercialiser sur le marché russe.

Les dernières informations en lien avec le sujet concernant la France et la protection des intérêts nationaux sont issues d’un point presse du 9 Juillet : “M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l’attractivité, s’est rendu en Champagne, vendredi 9 juillet, avec le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, M. Julien Denormandie, pour évaluer l’impact de la nouvelle législation russe et marquer le soutien du Gouvernement à la filière. En lien étroit avec les professionnels, nous prenons les contacts nécessaires avec les autorités russes et agissons au niveau européen pour protéger nos indications géographiques et les intérêts de nos producteurs.”. Selon le Ministre des Affaires Étrangères Jean-Yves Le Drian, il s’agit d’une mesure protectionniste de la part de l’Etat Russe et l’affaire est déjà portée auprès de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) afin de garantir la protection de l’appellation protégée.

Le CIVC devra probablement revenir à la charge dans le but de protéger les acteurs nationaux comme il a pu le faire par le passé dans les premières négociations avec la Russie. Le rôle de la France sera d’éviter un regain de tensions dans les relations franco-russe tout en conservant une position ferme sur les appellations françaises. Dans ce cadre, l’Union des Maisons de Champagne et le CIVC seront en mesure d’échanger avec les autorités Russes dans l’objectif de parvenir à une solution qui puisse être bénéfique pour chacun.

La loi fédérale russe 345-FZ lancée début juillet a plusieurs vocations selon les acteurs, pour les viticulteurs champenois il s’agit tout bonnement d’un acte de prédation et de concurrence directe en cherchant à se substituer au véritable champagne, pour les autorités russes il s’agit simplement d’une stratégie commercial et d’accompagnement historique des viticulteurs nationaux et de dynamisation du marché interne.

Les enjeux économiques

Par ailleurs, il convient de remettre en perspectives les conséquences économiques directes de cette décision russe ; Comme l’a rapporté l’Union des Maisons du Champagne (UMC) au journal les Echos, la demande de Champagne en 2021 pourrait atteindre un record historique avec des carnets de commandes qui dépassent la capacité des fournisseurs à couvrir la demande, Alexandre Ricard (PDG de Pernod Ricard, groupe détenant Mumm et Perrier Jouet) allant jusqu’à caractériser la situation de “pénurie”. Malgré tout, le calcul du nombre de bouteilles de Champagne vers la Russie pourrait être faussé, les droits de douanes aux marges des importateurs pouvant être très élevés, les importations peuvent parfois passer par d’autres pays ayant des accords plus avantageux avec la France et des avantages avec la Russie (exemple de l’Arménie).

L’utilisation d’une appellation reconnue actuellement dans plus de 120 pays empêchera la Russie de proposer son produit à l’exportation, le marché intérieur étant malgré tout très grand, il y a tout de même une limite importante à prendre en compte l’aspect économique si la stratégie de la Russie était une utilisation commerciale de cette appellation. Le CIVC l’a déjà fait par le passé, il est possible de permettre à la Russie de développer sa propre appellation en s’appuyant sur des acteurs pertinents localement comme l’entreprise Abrau-Durso ayant la capacité d’agir, et ayant déjà démarré ce processus lors des Jeux Olympiques de Sotchi de 2014.

Après avoir demandé en juillet aux producteurs français de ne plus exporter en Russie, le Comité interprofessionnel du vin de Champagne s’est prononcé vendredi 10 septembre 2021 pour la reprise à partir du 15 septembre des expéditions vers la Russie, sur fond de controverse franco-russe sur l’appellation "Champagne".

Ecole de guerre économique