Retenu par sa hiérarchie pour être décoré le 11 décembre 2019, l’attaché de Santé Moussa Ouédraogo en service au CHR de Fada N’Gourma attend toujours sa médaille. Comme par un tour de magie, son nom a disparu de la liste des bénéficiaires à la veille de la cérémonie. Depuis lors, il se bat pour recouvrer ses droits.

En mai 2019, le Secrétaire général du ministère de la Santé, Lionel Wilfried Ouédraogo adresse une note aux responsables des structures de santé leur demandant de proposer des agents pour les nominations dans les ordres au titre de l’année 2019. La note insiste sur le sérieux avec lequel le choix des candidats doit être effectué, lesquels doivent être « d’une moralité incontestée et d’un mérite certain ». Pour cela, il est recommandé qu’une commission de sélection soit mise en place afin de garantir la transparence des propositions. D’autres critères, plus objectifs doivent également être pris en compte dans le choix du candidat à la décoration. Il doit avoir au moins vingt-cinq (25) ans, avoir dix (10) de service effectif, jouir de ses droits civiques et être distingué par son dévouement, son engagement professionnel, ses compétences et par ses contributions à l’accroissement du rendement de sa structure.
Ce n’est pas tout. La durée totale des services du candidat doit être arrêtée au 1er janvier de l’année de proposition et le calcul de l’ancienneté dans le grade ou la dignité est également arrêtée au 1er janvier 2019.
Au Centre hospitalier régional de Fada, deux (2) médailles de l’ordre du mérite de la santé et de l’action sociale sont prévues. Afin de garantir la crédibilité et la transparence des choix, une commission est effectivement mise en place pour identifier et apprécier les agents qui méritent d’être décorés. Après avoir examiné les éventuels candidats, la commission a estimé que l’attaché de santé Moussa Ouédraogo remplissait toutes les conditions pour être distingué en récompense des services rendus à la communauté.
Le 3 octobre 2019, il reçoit un courrier de la Grande chancellerie des ordres burkinabè l’informant que le conseil des ordres spécifiques l’avait retenu pour être nommé au grade de chevalier de l’ordre du mérite de la santé et de l’action sociale à l’occasion du 11 décembre 2019. Il lui est demandé de faire parvenir dans les meilleurs délais, le récépissé de versement des droits de chancellerie d’un montant de 7000 F CFA. Il s’en acquitte le 14 novembre 2019 auprès du Trésor public de Fada N’Gourma comme l’atteste la quittance N°2019-0801-0000003410 délivrée par le comptable Mahamoudou Congo.
Fier que sa hiérarchie l’ait choisi pour être distingué à l’occasion du 11 décembre, Moussa Ouédraogo informe tout naturellement ses parents et amis de la bonne nouvelle. Autour de lui, c’est la mobilisation générale pour faire de l’événement un succès. Seulement voilà, la joie de recevoir cette médaille dont rêve tout agent de l’Etat va vite céder la place à la déception, à l’incompréhension et à la colère. A quelques jours de l’événement, le secrétariat du gouvernorat de l’Est l’informe que sa médaille n’est toujours pas arrivée dans leurs services, ce qui est pour le moins intriguant. A sa demande, un ami qui réside à Ouagadougou se rend à la Grande chancellerie pour comprendre les motifs de ce retard, puis le rassure au téléphone : son nom figure bel et bien sur le décret présidentiel signé par le président Roch Kaboré. Mieux, en l’absence du chef de service, on l’invite à revenir le lendemain pour récupérer la médaille de son ami.

Mais en l’espace de 24 heures, il s’est passé beaucoup de choses. Une fois sur place, il apprend que le nom de son ami Moussa Ouédraogo, comme par un tour de magie, a disparu de la liste des bénéficiaires de la décoration. Stupeur !
Qui a ordonné ce retrait et pour quelle raison ? C’est la question que Moussa Ouédraogo se pose d’autant qu’aucune explication ne lui a été donnée. Interloqué par ce qu’il vient d’apprendre, il ne tarde pas à découvrir celui qu’il croit être l’auteur de cette méchanceté à son encontre. Dans une lettre adressée au Médiateur du Faso mi-février 2020, il révèle que c’est la ministre de la Santé de l’époque, Claudine Lougué qui « a envoyé une liste d’une vingtaine d’agents (dont Moussa Ouédraogo) et demande qu’on les retire du décret présidentiel ». Motif ? « Ils ont suivi les mots d’ordre de grève lancés par le Syndicat national des travailleurs de la santé humaine et animale (SYNTSHA) », dont il est le secrétaire provincial dans le Gourma.
Résultat, la fête que cet attaché de santé très apprécié par ses collègues et ses supérieurs tourne au fiasco, pour ne pas dire plus. Dans la famille et chez les amis, c’est la consternation et l’incompréhension. Tous encaissent le coup et font bloc derrière Moussa Ouédraogo face à l’injustice manifeste qui s’abat sur lui.
Passées les festivités du 11 décembre 2019, pour en avoir le cœur net, Moussa Ouédraogo se rend lui-même à la Grande chancellerie pour demander des explications. Et là, il n’en croit pas ses oreilles : « On m’a fait savoir que le décret présidentiel et la médaille sont là, mais on ne peut pas me les donner sans l’avis de Mme le ministre de la Santé », renseigne-t-il le Médiateur du Faso. Diantre ! Renversement de valeurs au « Pays des hommes intègres », où les humeurs d’un ministre priment sur un décret signé par le président du Faso.
Déçu mais pas découragé, notre syndicaliste qui sait que bien ne s’obtient sans lutte, écrit directement à la ministre de la Santé pour lui réclamer sa médaille qui récompense ses années de dur labeur au service de la santé des Burkinabè. Sans réponse. Las d’attendre, Moussa Ouédraogo saisit le tribunal administratif de Fada N’Gourma le 25 novembre 2020 où il dépose un recours aux fins de réclamation.
La phase d’instruction du dossier est terminée depuis octobre 2021 et une notification de clôture lui a été adressée le 2 décembre 2021. Reste à fixer une date pour l’audience, mais le tribunal administratif de Fada N’Gourma se hâte lentement. D’après une source judiciaire, le manque d’effectif et la difficulté de réunir le collège des juges au complet seraient la cause de ce retard. Une très longue attente que cet agent de santé ressent comme une double injustice qui frappe « un citoyen brimé dans ses droit ».

Joachim Vokouma
Kaceto.net