Brutalement décédé le 17 mars dernier, Dr Nongassida Camille Kaboré a été conduit par une foule nombreuse à sa dernière demeure le 21 du même mois.
Sa disparition à l’âge de 58 ans a créé un choc dans sa famille, chez ses amis et collèges. Une grosse perte pour la profession de pharmacien et pour la nation entière.

L’église de la paroisse Saint-Jean XXIII dans l’arrondissement N°1 de la commune de Ouagadougou a refusé du monde le mardi 21 mars 2023. Parents, collègues et amis s’y étaient rendu pour l’absoute dite en la mémoire de Dr Nongassida Camille Kaboré, brutalement décédé au petit matin du 17 du même mois, seulement quelques heures après son retour d’un séjour professionnel hors du pays. C’est également une foule très nombreuse qui l’a accompagné à sa dernière demeure en fin de matinée, au cimetière municipal de Gounghin.
A l’église comme au cimetière, les mines sont graves et l’émotion vive. Pourquoi la « faucheuse » a-t-elle prématurément pris pour cible ce père de famille attentionné, ce pharmacien dévoué à la cause de la profession, cet homme d’une nature franche et d’une remarquable sociabilité ? Autant de questions que chacun, intérieurement, se pose, sans attendre de réponse. Dans la foule, des anciens élèves du collège d’enseignement général (CEG) de Kaya dans les années 80, dont l’auteur de ces lignes, sont aussi là, pour dire à dieu à leur camarade.

De lui, j’ai gardé de beaux souvenirs de nos années collège, sur les bancs et surtout, dans les dortoirs de l’internat qui nous a hébergés pendant cinq ans. L’internat de cet établissement public était au fond, le Burkina en miniature. Les pensionnaires convenaient de toutes les régions du pays, une mosaïque ethnique dans laquelle beaucoup, qui quittaient pour la première fois le cocon familial, faisaient l’expérience de l’altérité. Originaire de Ziniaré, dans le Plateau central, je rencontrais pour la première fois, en chair et en os, un Gourmatché, un Lobi et découvrais les sonorités vocales des Yadcés de Ouahigouya ou celles des natifs de Koupéla !
Avec le recul, je reste convaincu que l’internat est un outil pertinent pour combattre les préjugés et inculquer le sentiment national aux jeunes Burkinabè.
La particularité de Nongassida Camille Kaboré, natif de Koudougou, c’était sa voix calme un peu rouillé et ses pas discrets, comme s’il avait peur d’agresser le sol. Nous nous sommes perdus de vue après la troisième et c’est bien des années après que j’ai appris qu’il a poursuivi des études de pharmacie à Dakar d’où il soutenu un doctorat et a « ramené » plus qu’un diplôme, une épouse, Marie Louise qui lui a fait père de deux enfants. Puis, un beau jour, j’ai été agréablement surpris de me retrouver nez à nez avec lui, dans la pharmacie qui porte son nom. Instants joyeux qui nous ont permis de nous redécouvrir et d’apprécier le parcours professionnel et les responsabilités sociales de chacun.
Dans son oraison funèbre, le président de l’Ordre des pharmaciens du Burkina, Nédié Nao, a rappelé que Dr Nongassida Camille Kaboré a contribué à la formation, la supervision des agents de santé, « répondant aux sollicitations des confrères pour la défense des intérêts moraux et matériels de la profession ».

Il a ainsi assuré le secrétariat général du syndicat des pharmaciens du Burkina de 2001 à 20004 avant d’être porté à la présidence de 2004 à 2016. Il a en outre contribué à l’ouverture des médicaments essentiels génériques de la CAMEG au secteur privé dans le but de faciliter leur accès aux populations et s’est résolument engagé dans le combat contre les médicaments de rue. On lui doit également la mise en place d’une convention collective dans le secteur pharmaceutique privé et son implication dans la construction de la Maison du pharmacien. « Grand-frère Camille Kaboré, tu as passé toute ta vie professionnelle à la défense, au développement du secteur pharmaceutique burkinabè, au développement du secteur sanitaire de notre pays en général », a souligné le président de l’Ordre des pharmaciens. Il a surtout salué le professionnalisme du disparu, ses compétences, sa courtoisie et sa discrétion, bref, « le modèle et la source d’inspiration », qu’il représente pour les nouvelles générations et a regretté qu’il s’en aille « au moment où la profession a le plus besoin de toi pour affronter les principaux défis qui se posent à elle ».
Dr Nongassida Camille Kaboré qui a célébré son 58è anniversaire le 7 janvier dernier a été fait Chevalier de l’ordre du mérite burkinabè avec agrafe Santé, puis Chevalier de l’ordre de l’Etalon.
Camarade, va et dors en paix. Que la terre libre du Burkina te soit légère et que les ancêtres te fassent une place parmi eux.

Joachim Vokouma
Kaceto.net