Voici le deuxième volet des résultats de recherches de trois chercheurs spécialisés en Science de l’éducation consacré aux effets négatifs des effectifs pléthoriques sur la qualité du système scolaire dans notre pays. Le premier volet (https://kaceto.net/spip.php?article13352) était centré sur la consommation de la drogue en milieu scolaire

1. Introduction

L’insuffisance des structures d’accueil constituent des casse-tête pour les gestionnaires des systèmes éducatifs africains. L’explosion des effectifs d’élèves accentue la crise de l’école. On note en effet, une insuffisance des infrastructures et capacités d’accueil des établissements qui n’augmentent pas proportionnellement à l’accroissement du nombre d’élèves. Ces effectifs pléthoriques ont un impact significatif sur le rendement scolaire des élèves. ATANGA (2012) dépeint cette réalité dans les établissements au Cameroun. Selon elle, l’enseignant n’arrive pas à dispenser convenablement ses cours, encore moins à suivre de près chaque élève. Il n’« avance » qu’avec ceux qui parviennent à suivre son rythme. L’autre problème se pose au niveau des évaluations. C’est sûr qu’avec plus d’une centaine d’élèves, l’enseignant est amené à faire le moins de devoirs. Par conséquent, il est très difficile de connaître le niveau réel d’un élève surtout sur la base d’une ou de deux notes.
Le choix de la ville de Ouagadougou comme zone d’étude obéit à des intérêts manifestes. En effet. Ouagadougou, capitale politique du Burkina Faso est la ville la plus peuplée du Burkina Faso avec 1 475 223 habitants (MEF, 2008). Cette situation n’est pas sans influer sur la demande d’éducation. Avec une population scolarisable sans cesse croissante et l’insuffisance des capacités d’accueils au public, s’intéresser à l’influence des effectifs pléthoriques sur le rendement interne scolaire est pour nous une nécessité.
Le présent article comporte la méthodologie et la présentation des résultats de façon thématique.

2. Méthodologie, matériels et méthodes

Dans la présente étude, l’échantillon est fait de façon aléatoire. Il est constitué de 94 élèves du lycée Marien N’Gouabi, de 81 du lycée municipal de Sig-Noghin et de 20 élèves du lycée privé Arc-en-ciel, soit au total 195 élèves. Si les proportions diffèrent d’un établissement à l’autre, c’est compte tenu de la taille des établissements en effectifs. Pour les professeurs, nous en avons interrogés 24, soit 10 au lycée Marien N’Gouabi, 7 au lycée municipal et 7 au lycée Arc-en-ciel. En ce qui concerne le personnel de la vie scolaire, 7 attachés et conseillers d’éducation ont été interrogés, dont 5 au Marien N’Gouabi, 1 au lycée municipal et 1 à Arc-enciel. Quant aux chefs d’établissements, nous en avons 3, soit un seul par établissement. Enfin, pour les parents d’élèves, nous avons interrogé 14 en tout, soit 7 au LMN’G, 4 au LMSig et 3 à Arc-en-ciel.
En vue de la collecte de données, nous nous sommes servis principalement de trois outils. Il s’agit des grilles de lecture découlant de notre recherche documentaire, du questionnaire aux élèves, professeurs, conseillers et attachés d’éducation et du guide d’entretien avec les proviseurs et les parents d’élèves, afin de recueillir leurs opinions sur la problématique des effectifs pléthoriques dans les établissements d’enseignements post-primaire. Les données collectées ont été traitées de façon manuelle.

3. Résultats

Les résultats mettent l’accent sur la discipline dans la classe, l’organisation matérielle et pédagogique de la classe, les taux de flux (promotion, redoublement et abandon).

3.1. De la discipline dans la classe

Une classe surchargée influe négativement sur la discipline. Nous avons répertorié les réponses aux questions à choix multiples, adressées aux élèves. Il s’agit notamment du bruit (97,76%), du vol (21,64%), des bagarres (28,35%), des agressions physiques ou verbales avec 3,73% de réponses.
Il convient de noter que le bavardage est plus récurrent dans les classes du post-primaire. D’autres maux non moins importants ont été cités. Il s’agit du harcèlement sexuel, de l’impolitesse, du banditisme, des injures, du manque de respect à leurs professeurs, de la manipulation de portables pendant les cours.
A la question de la discipline, les conseillers et attachés d’éducation affirment qu’il existe toutes sortes d’indisciplines, surtout la bagarre (100%), le vol (85,71%), les agressions (57,14%). Mais selon eux, les élèves indisciplinés reçoivent des sanctions à la hauteur de leur forfait. Pour certains, c’est le renvoi temporaire, le retrait de points, l’expulsion des cours ; pour d’autres, c’est l’expulsion de quarante- huit (48) heures accompagnée d’une convocation des parents, ou le passage de l’élève en conseil de discipline pour faute grave. Toutes ces sanctions sont prises conformément au règlement intérieur de l’établissement. GARANE (2001, p.104) avait fait le rapprochement entre les effectifs pléthoriques et l’indiscipline dans les classes, toute chose pouvant nuire à la qualité de l’enseignement. Dans ce sens, disait-il : « on sait à quel point la concentration de beaucoup d’individus qui ont à travailler en peu d’espace est psychologiquement dangereux ; même les recherches de la psychologie animale ont confirmé ce phénomène au laboratoire. Les rats par exemple vivent en paix sur un territoire lorsqu’ils ne sont pas trop nombreux ; mais dès que leur nombre dépasse un certain seuil qui est loin de la contenance maximale du territoire lui-même, des luttes violentes se déclenchent et la vie devient impossible ». Comme on le voit, les effectifs pléthoriques créent d’énormes problèmes de discipline dans une classe. Leurs effets sur l’organisation matérielle et pédagogique de la classe ne sont pas à négliger.

3.2. De l’organisation matérielle et pédagogique de la classe

Les classes à larges effectifs n’offrent pas la possibilité de bien disposer le mobilier et le matériel didactique. En effet, pour SANGARE cité par TOE (2013), les effectifs pléthoriques posent d’énormes problèmes d’organisation matérielle et pédagogique dans la classe. Ces difficultés sont entre autres, la mauvaise disposition des tables-bancs qui ne donnent pas à l’enseignant une grande possibilité de déplacement dans la classe, limitant ainsi sa marge de contact avec les apprenants. En outre, le bureau de l’enseignant et les supports d’affiche pédagogiques ne sont pas toujours bien visibles par tous les élèves. Un autre problème non moins important est la difficulté sans cesse croissante des enseignants à instaurer un climat relationnel et disciplinaire stable, susceptible d’impulser le processus d’apprentissage.
Les élèves s’inscrivent dans cette dynamique et apprécient ces problèmes posés par les effectifs pléthoriques. De l’avis de 74,62% d’entre eux, dans leurs classes, règne l’indiscipline. 59,70% reconnaissent qu’ils trichent pendant les devoirs car le professeur ou l’attaché d’éducation qui les surveille ne les voit pas tous.
En effet, si les élèves sont serrés sur les tables- bancs, ils profitent de l’occasion pour tricher, ce qui rend les évaluations inefficaces et non objectives. A ce propos, un attaché d’éducation nous confie : « Dans l’établissement où je suis, il y a un élève en classe de cinquième qui à chaque devoir, force ses camarades qui sont bons dans la matière évaluée à s’asseoir à côté de lui pour lui permettre de tricher et d’avoir de bonnes notes ». D’autres par contre n’arrivent pas à suivre les cours et à poser des questions d’éclaircissements. Nous avons recueilli les réponses des élèves dans le graphique n°1
Graphique 1 : Avis des élèves sur la possibilité de bien travailler ou pas

Le graphique n°1 nous révèle les réponses données par les élèves sur la possibilité de bien travailler ou pas, au regard de l’effectif de leur classe. En effet, 54,47% des élèves répondent par l’affirmative que leur effectif en classe ne leur permet pas de bien travailler ; par contre 44,02% disent qu’ils arrivent à travailler aisément dans leur classe et 1,49% n’ont pas donné d’avis.

3.3. Des taux de promotion, de redoublement et d’abandon

Les effectifs des classes influent sur le résultat scolaire. Lorsqu’une classe est surchargée l’enseignant ne peut pas bien suivre et encadrer chaque apprenant. A contrario, les élèves des classes à faibles effectifs bénéficient d’une attention particulière de l’enseignant. Le niveau d’acquisition des apprentissages est contrôlé par des évaluations régulières. Les effectifs pléthoriques conduisent bien souvent à des évaluations non objectives.
Les effets des effectifs pléthoriques sur les résultats scolaires sont multiples et répertoriés dans le tableau n°1 ci-dessous.
Tableau 1 : Avis des enseignants sur les conséquences des effectifs pléthoriques dans les classes.

Selon les enseignants enquêtés, dans les classes à effectifs pléthoriques, les conséquences n’y manquent pas. Par exemple, 17,07% des enseignants évoquent un taux élevé de redoublement, 6,09% évoquent un taux élevé d’abandons et 12,2% relèvent la baisse des notes. Au regard de ce tableau, pour les professeurs interrogés, d’autres conséquences apparaissent telles que l’indiscipline (25,61%), la tricherie (26,83%) et la bagarre (12,20%).
De même, les élèves donnent leur avis sur la question. 56,72% d’entre eux trouvent que leur nombre élevé en classe, a des effets négatifs sur leurs résultats scolaires ; par contre 29,10% estiment que leur nombre n’a pas d’effets négatifs sur leurs rendements scolaires, et 14,18% n’ont pas répondu à la question.
Selon ces élèves, les effectifs pléthoriques occasionnent le manque de concentration à suivre les cours, les perturbations des cours par leurs camarades, les tricheries, le manque de respect de certains élèves envers leurs professeurs, le bavardage dans la classe. Tous ces perturbations ont des conséquences négatives sur les résultats scolaires.
Afin de vérifier l’influence des effectifs pléthoriques sur les redoublements et abandons, nous avons interrogé des conseillers et attachés d’éducation. Tous sans exception affirment qu’ils observent un fort taux de redoublement en fin d’année, ce qui affecte négativement l’efficacité interne des classes.

4. Conclusion

Au terme de ce travail, il ressort que tous les acteurs enquêtés sont unanimes à reconnaître que les effectifs pléthoriques sont causés par le manque d’enseignants, mais surtout par le manque ou l’insuffisance d’infrastructures scolaires. Cela rend pénible le travail des enseignants et des élèves, avec pour conséquences des tricheries pendant les devoirs. Le bavardage et toutes sortes d’indisciplines sont légions et ont pour corollaire de faibles notes, des taux de redoublement élevé, des exclusions et parfois même des abandons. De ces maux, découle la baisse de la qualité de l’enseignement. Au regard de ces résultats, nous pouvons dire, que les effectifs pléthoriques influencent négativement l’efficacité interne de l’enseignement post- primaire. C’est pourquoi, tous les acteurs ont suggéré la construction de nouvelles salles de classe, le recrutement d’enseignants qualifiés et en nombre suffisant, l’implication des parents d’élèves dans le suivi de la fréquentation de leurs enfants.

5. Références bibliographiques
Atanga, G. N. K. Impact des effectifs pléthoriques sur l’encadrement pédagogique des élèves au Cameroun, in : http: www. Mémoire online.com. (2012) : consulté le 20/04/2020.

Burkina Faso, MEF (2008). Recensement général de la population et de l’habitation de 2006, résultats définitifs. Ouagadougou : MEF.

Dianda R. (2012). Etude analytique des abandons scolaires en milieu urbain : cas du secondaire dans la commune de Ouagadougou. Ouagadougou : ENAM.

Kaboré, S. L., Soulama/Coulibaly, Z., Kaboré, W. E., 2022, Effets négatifs des effectifs pléthoriques sur l’efficacité interne dans les établissements d’enseignement post-primaires dans la ville de Ouagadougou, Revue LiLaS (Revue de Littératures, Langues, Langages & Sciences Sociales) Numéro 5 – décembre 2022, pp235-253.

Toé, M. (2013). Effectifs pléthoriques au post-primaire et rendement scolaire : cas de quelques établissements de la ville de Koudougou. Koudougou : ENS/ UK.

Sangaré, A. (2007). Les difficultés de gestion de la classe et leur impact sur la qualité de l’enseignement : cas de la CEB de Diébougou. Koudougou : ENS/ UK, 68 p.

SOULAMA/COULIBALY Zouanso
KABORE Windlanaba Etienne

KABORE Sibiri Luc