La question du viol, et plus largement des violences et agressions sexuelles, est un sujet sociétal d’actualité en France et dans le monde occidental en général. C’est en effet un sujet de préoccupation majeure pour le vivre ensemble dans la sécurité physique et psychologique. Dans ce court article, je me pose la question de savoir quelle configuration de sens et quelles évolutions significatives de mise en scène discursive sont inscrites dans les titres de publications françaises en ligne centrés sur ce sujet et couvrant la décennie 2011-2020.
Sur le plan de la configuration de sens, l’analyse automatique du contenu du corpus significatif et pertinent de titres recueillis m’a permis de mettre en évidence neuf (9) références sémantiques importantes qui gravitent autour de la référence-cible « viol » (référence-cible qui englobe toutes les formes de violences et d’agressions sexuelles en général). Le graphe des relations ci-après, généré sous Gephi, nous en donne la configuration.

Au regard de ce graphe de relations sémantiques, j’attire l’attention sur trois points qui me paraissent hautement importants :
  Quand on parle de viols (de violences et d’agressions sexuelles en général) dans les titres de publications françaises en ligne, il s’agit le plus souvent de viols sur (et quelques fois entre) mineurs. Par le label « mineur », entendons les références « mineurs », « enfants », « adolescent-e-s », « jeunes filles », « jeunes garçons »). En France, la loi punit les « abus sexuels » suivants :
• La corruption de mineur, qui consiste pour un adulte à imposer (éventuellement via Internet) à un mineur, même de plus de 15 ans, des propos, des actes, des scènes ou des images susceptibles de le pousser à la dépravation sexuelle ;
• L’agression sexuelle, qui est un acte sexuel sans pénétration, commis par violence, contrainte, menace ou surprise ;
• Le viol, qui est un acte de pénétration sexuelle commis par violence, contrainte, menace ou surprise ;
• Le recours à un(e) prostitué(e).

  Ces viols (violences et agressions sexuelles en général) sont souvent des « viols en réunion », encore appelés « viols collectifs » ou « tournantes ». Rappelons ici qu’en droit français, le viol est réprimé par l’article 222-23 du code pénal comme « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise ». Par ailleurs, dans l’article 222-24 du code pénal, le « viol en réunion » est retenu par le droit français comme circonstance aggravante du viol « lorsqu’il est commis par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice ». Le « viol en réunion » est puni en France d’une peine allant jusqu’à vingt ans de réclusion criminelle.

  Enfin, les titres de publications françaises en ligne sur les viols (plus largement, violences et agressions sexuelles) mettent l’accent sur deux mouvements structurants : un mouvement massif de « dénonciation » (par le label de « dénonciation » entendons « dénonciations », « accusations », « plaintes », « appels à témoignage », etc.) et un mouvement important de « judiciarisation » (par le label « judiciarisation », entendons « enquêtes » (policières et judiciaires), « interpellations », « gardes à vue », « auditions », « mises en examen », qualité de « témoin assisté », « information judiciaire », « poursuites judiciaires », etc.). Dit autrement, tout se passe comme si à une logique insistante du « faire savoir », de dévoilement, de libération de la parole portée à la place publique, répond une logique de « porter connaissance à la justice, de poursuite judiciaire ».
Ces deux mouvements de « dénonciation » et de « judiciarisation » sont aujourd’hui centraux dans le rapport aux faits de viols (plus largement, les violences et les agressions sexuelles) dans les pays occidentaux notamment. Comme nous pouvons le constater sur le graphique ci-après, les viols (plus largement, les violences et agressions sexuelles) ont été de plus en plus dénoncés et portés devant la justice ces dix dernières années (les courbes de tendance linéaire indiquent des tendances haussières significatives sur la décennie 2011-2020. Les années 2018, 2019 et 2020 sont remarquables de ce point de vue, ces années faisant suite à l’affaire Harvey Weinstein qui a éclaté en octobre 2017). Dans d’autres parties du monde comme en Afrique, il faut en convenir, les dénonciations se font rares à cause de pesanteurs sociales entravantes. Ce qui encourage une forme de culture de l’impunité des agressions et violences sexuelles laissées à la seule régulation des mœurs et aux arrangements infra-judiciaires.

Notons que les processus de dénonciation et de judiciarisation des faits de viols (plus largement, de violences et d’agressions sexuelles) ici mis en évidence sont parfaitement et positivement corrélés (R de Pearson = 0.9631 ; p-value = 0.0000772) : en la matière, plus la parole se libère plus la justice est saisie ou s’en saisit pour se mettre en branle et inversement

Par Ousmane SAWADOGO, Consultant Text Analytics & TM
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