De quelles références sémantiques est-il principalement question quand les termes « pédagogie(s) » et/ou « pédagogique(s) » sont évoqués dans les titres de publications francophones en ligne au cours des deux dernières décennies (2002-2021) ?

La cartographie sémantique ci-après, générée sur la base de l’analyse sémantique d’un corpus de plus 3000 titres pertinents recueillis, permet d’apporter quelques éléments de réponse.

Sans rentrer ici dans la profondeur des choses, cette cartographie sémantique révèle trois clusters (groupes) sémantiques :

Le cluster sémantique « orange » met en évidence la prégnance du courant pédagogique dite de l’ « éducation nouvelle ». C’est un courant qui défend le principe d’une participation active des individus à leur propre formation et qui met l’enfant au cœur du projet éducatif. Pour ce courant pédagogique, l’apprentissage ne saurait se réduire à une simple accumulation de connaissances : il doit avant tout être un facteur de progrès global de la personne. Les formes de pédagogies qui s’inscrivent dans ce courant (pédagogie active, pédagogie de projet, pédagogie différenciée ou différenciation pédagogique, pédagogie alternative, pédagogie coopérative, pédagogie moderne versus pédagogie traditionnelle, etc.) sont élaborées par des pédagogues de renom visibles dans ce Cluster orange : Jean-Ovide Decroly (1871-1932) ; Maria Montessori (1870-1952) ; Célestin Freinet (1896-1966) ; Rudolf Steiner (1861-1925) à qui l’on doit la « pédagogie dite Steiner-Waldorf » ; Philipe Meirieu (pédagogie différenciée) ; Jean Houssaye (concept de « triangle pédagogique »). Bref, il y en a plein d’autres figures importantes de ce courant qui ne figurent pas dans ce cluster (de John Dewey (1859-1952) à Jean Piaget (1896-1980)). Toutes les formes de pédagogies nouvelles ont leurs spécificités, mais elles ont un objectif commun : le bien-être, le développement, l’épanouissement, l’augmentation de l’autonomie et le respect du rythme de l’enfant.

Le cluster sémantique « vert » qui s’articule autour du « pédagogique » pointe sur les enjeux d’innovation, de méthodes et de pratiques pédagogiques auxquels il faut ajouter la question des outils, dispositifs et autres supports pédagogiques : conseil, projet, ressources, kit, ingénierie, atelier, fermes et jardins pédagogiques, espace, vidéo, cahier, dossier, matériel, etc.

Enfin, le cluster sémantique « bleu » met centralement en évidence la relation pédagogique « enseignants-enfants/élèves/étudiants » et la relation d’apprentissage, c’est-à-dire le rapport que l’apprenant (enfant/élève/étudiant) va construire avec le savoir dans sa démarche pour apprendre. On reconnaît là les éléments fondamentaux qui constituent l’acte d’enseigner dans la modélisation triangulaire de Jean Houssaye dont les trois sommets sont : le Savoir, l’Enseignant et l’Apprenant.

L’éducation nouvelle est en fait une réalité militante qui a traversé le siècle. Ce terme générique d’ « éducation nouvelle », comme je l’ai déjà dit, recouvre toute une diversité de points de vue pédagogiques dont le dénominateur commun est une opposition fondatrice à l’enseignement traditionnel centré sur la notion de transmission. Peut-on pour autant dire qu’elle a le vent en poupe aujourd’hui ? Si je regarde l’évolution de la densité des références à l’univers sémantique de l’éducation nouvelle dans les titres de publications francophones en ligne sur la période 2002-2021, je suis bien obligé de répondre par l’affirmative (voir graphique ci-après).

Plus précisément, le graphique montre bien une nette accentuation de la densité du champ sémantique associé à l’univers de l’éducation nouvelle au cours de la décennie 2012-2021. La bataille culturelle continue donc de plus belle au rythme du mouvement des idées et des sociétés. Car ce mouvement plus que centenaire, perçu à la fois comme contestataire et innovant voire libertaire, ne va pas sans susciter de vives critiques de la part des tenants d’une pédagogie plus classique…

Ousmane SAWADOGO, Consultant Text Mining & Text Analytics,
Kaceto.net.