Hector Ardent Raphaël K. Ouédraogo, président de l’Union nationale des Associations des parents d’élèves du post primaire, du secondaire et du supérieur du Burkina (UNAPES-B), réélu en juillet dernier à la tête de ladite structure, nous a accordé un entretien le 29 décembre 2020 à Ouagadougou. Le bilan de son mandat passé, ses défis pour celui qui a débuté et la convention entre son association et le gouvernement ont été, entre autres, au menu des échanges. Sur ce dernier point, il croit que l’Union n’aurait pas eu les difficultés qu’elle rencontre si la convention de 2014 qui la lie à l’Etat était bel et bien appliquée.

Vous avez entrepris de visiter les élèves qui ont été interpellés et déférés à la MACO par le procureur du Faso. Combien sont-ils exactement et que leur reproche-t-
on au juste ?

Il y a une dizaine de jours que nous devrons effectivement rendre visite aux individus qui ont été interpellés suite à des manifestations dans des établissements privés ou publics de la région du Centre. Mais cette visite n’a toujours pas eu lieu pour la simple raison que lorsque nous avons pris contact avec le procureur du Faso, il nous a fait comprendre que le permis de communiquer est délivré à un individu qui rend visite à un détenu. Or, nous sommes un groupe de 7 personnes, tous membres du bureau de l’UNAPES-B qui a émis le souhait d’aller rencontrer ces individus cagoulés, a priori des élèves, qui ont été appréhendés au sein des établissements et déférés à la MACO. Le procureur nous a expliqué qu’il va prendre langue avec le directeur de cet établissement pénitentiaire et nous revenir. Mais nous sommes toujours dans l’attente. Je ne saurais vous donner leur nombre exact, mais selon nos échanges avec l’autorité judiciaire, il semble qu’il y ait des d’élèves parmi eux, mais aussi des déscolarisés. [NDLR Kaceto.net ; la visite a finalement eu lieu le 25 janvier 2021. Sur une dizaine de personnes interpelées, deux sont toujours détenues à la MACO]

Quel sens voulez-vous donner à cette visite ?

Pour nous, ce sont nos enfants et même s’ils ont posé des actes répréhensibles, nous ne pouvons pas les abandonner. C’est pourquoi nous avons entrepris cette démarche pour leur donner des conseils, leur faire comprendre que nous sommes dans une république qui est régie par des lois consacrant des droits et des devoirs que toute personne doit respecter. S’il y a des revendications à faire, il faut emprunter le cadre légal pour atteindre les objectifs que l’on vise. C’est donc une démarche en tant que parents d’élèves, éducateurs, formateurs et instructeurs. Nous allons leur rendre visite même si nous avons déjà fermement condamné les agissements dont ils se seraient rendus coupables dans les établissements.

Vous avez effectué des tournées dans des établissements scolaires à Ouaga et à Bobo-Dioulasso dans le cadre de la lutte contre la propagation de la covid 19 en milieu scolaire. Quel a été votre constat ? Est-ce que les dispositifs de lutte contre la covid 19 sont réellement en place ?

Au lendemain de la rentrée scolaire 2020/2021, nous avons entrepris une tournée d’abord dans la région du Centre où nous avons visité plus d’une dizaine d’établissements pour voir si les gestes barrières y étaient respectés. Nous sommes allés dans ces établissements pour voir si les dispositifs de lavage des mains, de cache-nez, boules de savon étaient disponibles et si leur usage était effectif. Malheureusement, le constat a été qu’il existe une problématique réelle du port du masque. Les dispositifs de lavage des mains sont là mais ne sont pas toujours
utilisés. La distanciation sociale ou physique n’est pas non plus respectée au regard des effectifs que nous avons dans les salles de classe. Nous avons donc interpellé les chefs d’établissements, les élèves eux- mêmes pour qu’ils sachent que le virus est toujours là et connaît des mutations. C’est donc un appel à faire attention pour que la propagation de la covid-19 soit réellement circonscrite et que nous ne soyons pas des vecteurs de transmission du virus. C’est le message qui a été aussi véhiculé dans le grand Ouest, à Bobo-Dioulasso. Nous avons dû suspendre nos tournées en raison de la campagne électorale du double scrutin présidentiel et législatif du 22 novembre dernier et des prépara- tifs entrant dans la célébration du 11-Décembre à Banfora, ville où nous devions aller. Nous sommes heureux, à travers ces rencontres, d’avoir contribué à informer et à sensibiliser les apprenants et leurs encadreurs aux dangers que nous courons lorsque les mesures barrières ne sont pas respectées. Mais pour ce qui est de la distanciation physique, je dois dire que ce n’est pas facile de la faire respecter. Même des pays mieux nantis que le nôtre n’y parviennent pas !

Mais est-ce que les élèves et leurs encadreurs sont équipés de masques ?

Ceux que nous avons rencontrés au niveau de l’administration scolaire, de la vie scolaire d’une manière générale, ont le cache-nez, le dispositif de lavage des mains est là et tous font des efforts dans le respect de ces mesures barrières.

Doit-on comprendre que les dispositifs existent bel et bien mais que c’est leur utilisation qui pose problème ?

Dans certains établissements, le dis- positif existe, partout où nous sommes passés d’ailleurs, il est bien ins- tallé mais c’est son utilisation qui pèche. D’où un travail d’information et surtout de sensibilisation à mener.

Ces derniers temps, le nombre de contaminations du virus est en forte augmentation. Que compte faire l’UNAPES-B pour mieux sensibiliser les apprenants au strict respect des mesures barrières ?

Face au rebond constaté à travers les chiffres fournis par le Centre des opérations de riposte des urgences sanitaires (CORUS), nous envisageons de poursuivre les tournées de sensibilisation, à travers notamment des affiches au fronton des établissements et devant les salles de classe. Ce seront de petites affiches qui montrent que le virus est toujours là, qu’il progresse à grandes enjambées, fait des victimes et qu’il faut prendre ces précautions pour l’éviter à travers les mesures barrières. Nous allons demander aussi au corps enseignant de dire un mot sur la covid-19 avant le début de chaque cours, afin que les apprenants aient toujours cette maladie à l’esprit.

Au regard du nombre pléthorique des établissements aussi bien du primaire que du secondaire, disposez-vous des moyens qu’il faut pour embrasser un grand nombre ?

Non. Nous avons fait des estimations et ferons un plaidoyer dans ce sens auprès du ministère de l’Education nationale, de l’Alphabétisation et de la Promotion des langues nationales (MENAPLN) ainsi qu’auprès d’autres partenaires afin d’avoir les moyens de cette politique d’information et de sensibilisation.

Une approximation…

A l’heure actuelle, nous n’avons pas une approximation mais nous avons eu des échanges dans ce sens, mais très bientôt, nous nous verrons pour déterminer des statistiques assez claires pour travailler en fonction de ces données.

De manière récurrente, les cotisations APE sont l’objet de critiques dans l’opinion. Les parents d’élèves ne comprennent toujours pas à quoi servent les cotisations APE et com- ment sont-elles gérées. Que leur répondez-vous ?

L’article 26 du règlement intérieur des APE de base fixe les cotisations ordinaires en Assemblée générale. Et ce montant ne doit pas excéder 5 000 francs CFA par an et par enfant inscrit dans les établissements post- primaire et secondaire publics et 2000 francs CFA par an et par enfant inscrit dans les établissements post- primaire et secondaire privés. Ces cotisations doivent être payées intégralement avant la fin du premier tri- mestre de l’année scolaire en cours. Les ressources des associations des parents d’élèves sont également constituées, des subventions publiques ou privées, des dons et des legs, des recettes provenant des activités lucratives organisées par les parents. Conformément à l’article 16 toujours du règlement intérieur des APE de base, le budget prévisionnel doit comporter 3 chapitres :
Un fonds de fonctionnement de l’Association qui est de 60% des cotisations ordinaires ;
Un fonds de soutien au fonctionne- ment de l’établissement qui est de 40% des cotisations ordinaires statutaires ;
Une contribution au fonctionne- ment de la coordination régionale et du bureau de l’UNAPES-B qui est de 5% des 60%.
Ce qui veut dire qu’au regard de cette clé de répartition, s’il y avait une remontée exacte des recettes générées par ces cotisations ordinaires statutaires, l’UNAPES-B ferait un excellent travail. Ce qui n’est malheureusement pas le cas.
Pour ce qui est de l’utilisation de ces cotisations, elles servent parfois à payer des vacations des enseignants même si cela ne devrait pas relever de l’UNAPES-B. Il y a aussi la construction des parkings pour les engins des élèves, la construction de plateaux omnisports, l’acquisition de dispositifs de lavage des mains et autres dispositifs en lien avec les mesures barrières. Dans certains établissements, il peut arriver que des salles de classe soient décoiffées par des vents violents, dans ces cas de figure, les cotisations APE servent à réparer ces dégâts et des cotisations spéciales peuvent être demandées aux parents. Dans ce cas de figure, le MENAPLN est saisi pour information et avis.

Vous dites que les cotisations ne remontent pas au niveau de la faîtière. Est-ce que vous avez identifié les difficultés liées à ce fait et que faites-vous aujourd’hui pour inverser cette tendance ?

J’ai l’habitude de dire que les parents d’élèves ont les bureaux qu’ils méritent. Lorsqu’on fait une campagne pour mettre en place un bureau APE et que les parents ne viennent pas à ces assemblées générales, il y a un problème. On ne devrait donc pas s’étonner qu’il y ait des plaintes par la suite.
Les dysfonctionnements des APE sont dus à plusieurs raisons : d’abord, le non-respect des instances, c’est-à-dire les absences aux réunions de bureau et d’assemblée générale, la non-participation de tous les membres aux rencontres du bureau.
Ensuite, l’absence de représentativité dans les instances scolaires, le manque de programme d’activités et de budget, le non-renouvellement de la structure- certains sont là depuis 10 ans, 15 ans, le manque de collabo- ration entre les responsables et l’administration et enfin, la mauvaise gestion des ressources.
Sur tous ces points, l’UNAPES-B agit en interpellant toujours, lorsqu’elle a l’information, les APE et l’administration pour qu’un bureau digne de ce nom soit mis en place. A l’occasion, nous participons à ces assemblées générales au cours desquelles on met en place le bureau APE et si nous sommes informés qu’une personne physique ou morale a commis des malversations, des poursuites sont engagées contre elle comme le recommande notre règlement intérieur. Je précise que l’ASCE-LC a un droit de regard sur la gestion de notre faîtière.

Dans plusieurs établissements, des élèves manifestent pour réclamer des professeurs qui manquent toujours à l’appel dans certaines disciplines à la fin du premier trimestre. Quelle est l’ampleur du problème et que peut faire l’UNAPES-B pour contribuer à trouver une solution au manque de professeurs ?

C’est exact et je l’ai évoqué plus haut. Nous avons un rôle de facilitation et de médiation. Toutes les fois où nous avons été saisis d’un quel- conque problème, nous nous sommes adressés à notre ministère de tutelle (ndlr : ministère de l’Éducation nationale) pour essayer de trou- ver des solutions. En la matière, nous faisons toujours notre devoir et nous trouvons chaque fois des solutions, même si parfois cela prend du temps. Si on jette un regard sur ce que nous avons fait depuis notre arrivée à la tête de la structure, on verra bien que nous avons contribué à préserver les intérêts moraux et matériels des élèves et des parents.

Vous avez des exemples concrets d’établissements où l’UNAPES-B est intervenue pour résoudre des problèmes similaires ?

Par exemple au Lycée Ouezzin Coulibaly de Bobo-Dioulasso, il y avait un manque d’enseignants. Nous sommes intervenus et avons eu gain de cause. C’est le cas également dans beaucoup d’autres provinces comme dans la Kossi ou dans la Léraba lorsque des élèves s’en sont pris à leurs propres parents.

Vous avez déjà dénoncé lors de conférences de presse la non-appli- cation de la convention de finance- ment qui lie l’UNAPES-B à l’Etat. La situation a-t-elle changé ?

Ce n’était pas une dénonciation, c’était tout simplement une interpellation. Nous avons interpellé le gouvernement sur le fait qu’une convention qui a été signée depuis le 24 jan- vier 2014 n’a toujours pas été mise en application. Nous avons rencontré fin septembre-début octobre 2020 le ministre de l’Education nationale et celui de l’Economie et il était question de trouver une solution à ce problème qui n’a que trop duré. Malheureusement, nous attendons toujours !

Cette convention de financement dit quoi exactement ?

Elle devrait permettre à l’UNAPES- B de fonctionner, d’être autonome et de défendre les intérêts moraux et matériels des élèves et des étudiants. En principe, si la convention avait été bien appliquée et que nous avions une allocation bien claire, on n’aurait même plus besoin de cotisations ordinaires, encore moins de celles dites spéciales. Dans certains pays voisins où la convention est appliquée, les problèmes que nous connaissons ne se posent pas, tout se passe comme sur des roulettes.

Vous avez été réélu en juillet dernier à la présidence de l’UNAPES-B. Quels sont les chantiers qui vous tiennent à cœur pour votre dernier mandat de quatre ans ?

Ce qui me tient à cœur pour ce der- nier mandat, c’est que la convention puisse être appliquée, que l’UNAPES-B ait un siège, qu’il y ait un assainissement dans le milieu scolaire et universitaire, un meilleur fonctionnement des Associations de parents d’élèves (APE) et qu’une solution soit trouvée pour la normalisation des années académiques.

Que ce soit dans la lutte contre les violences en milieu scolaire ou la médiation entre les syndicats des enseignants et le gouvernement, notamment lors de la grève de 2017, on vous voit très actif sur le terrain. Le président de l’UNAPES-B a-t-il des ambitions politiques ?

Ce que je fais est un sacerdoce. Mais tout homme dans sa vie, quelle que soit sa position, fait de la politique d’une manière ou d’une autre. Pour revenir à votre question, il faut noter que j’ai travaillé avec mes collaborateurs pour que le système éducatif burkinabè connaisse un succès. Si travailler dans ce domaine en faisant en sorte qu’à travers la médiation et la facilitation il n’y ait point de dérives, que nous puissions préparer les jeunes à assumer correctement des responsabilités demain, c’est faire de la politique, alors oui, j’en fais !
Comme beaucoup de Burkinabè, je suis un soldat de la république qui donne le meilleur de lui-même là où il est afin de participer au développe- ment socio-économique de notre pays.
Permettez-moi en cette veille du Nouvel An, de présenter mes vœux de bonne année à tous les acteurs du système éducatif burkinabè. Que l’année 2021 apporte beaucoup plus de joie à leurs familles, à leurs proches et amis ■

Aboubacar Dermé,
Roukiétou Soma
& Tissa Koudougou
L’Observateur Paalga du 31 décembre 2020