Un enseignant de Yako a récemment donné un coup de poing au directeur de son école et mordu au sang son oreille. La raison en est que le directeur lui aurait demandé de justifier des journées d’absence avant et après les vacances du deuxième trimestre. Une telle violence, de surcroît dans l’espace scolaire, est inadmissible selon notre chroniqueur, Denis Dambré. Car les personnes chargées d’instruire, d’éduquer et de former nos enfants doivent prêcher par l’exemple si elles veulent, comme leur mission les y oblige, transmettre les valeurs de non-violence et d’exemplarité au service à la jeunesse.

L’agression perpétrée par un enseignant de la Circonscription d’éducation de base (CEB) de Yako II contre son directeur d’école est tout simplement scandaleuse et inadmissible. Rendus publics le jeudi 22 avril par l’Agence d’Information du Burkina (AIB) et repris par Kaceto.net, les premiers éléments relatifs à cet acte innommable au sein d’une école sont les suivants :
Sans motif justifiant son absence, l’enseignant agresseur aurait abandonné ses élèves avant les vacances du deuxième trimestre qui ont eu lieu du samedi 3 au dimanche 11 avril. Puis, à la reprise des cours, il se serait encore octroyé trois jours d’absence en reprenant son service seulement le jeudi 15 avril au lieu du lundi 12 avril. Son directeur était donc en droit de lui demander de motiver ses absences.
Mais lorsqu’il lui a demandé une explication, l’enseignant absentéiste se serait mis en colère, aurait tenu à son encontre des propos injurieux avant de lui donner un coup de poing. Puis, le directeur voulant se défendre de cette agression, l’enseignant lui aurait grièvement mordu l’oreille, comme en témoigne la photo publiée par l’AIB et Kaceto.net.
Une telle violence est absolument inacceptable dans une école. En effet, la mission des professionnels de l’éducation est triple : instruire, éduquer et former.
Par instruire, on entend les apprentissages disciplinaires : lecture, écriture, expression, argumentation, calcul, sciences, géographie, histoire, musique et j’en passe.

Par éduquer, on entend l’apprentissage de la coopération citoyenne et pacifique qu’on appelle parfois aussi le « vivre-ensemble ». En clair, l’école a pour mission d’apprendre aux futurs citoyens qui lui sont confiés – et dans le verbe « confier », il y a « confiance » ! – à vivre les uns avec les autres, dans le respect mutuel, sans faire preuve de violence et en cherchant, dans les situations de désaccord, à convaincre par l’argumentation plutôt qu’à vaincre par la force physique bête et brute. Car, dans une République, le faible jouit des mêmes droits que le fort, les lois protégeant chacun.
Par former, on entend la préparation des futurs citoyens à la vie active, à l’insertion sociale et professionnelle, à l’exercice de fonctions visant au bien-être commun et au maintien de l’équilibre de la société.
On peut d’ores et déjà se réjouir que la Direction provinciale de l’Education préscolaire et primaire se soit saisie de ce qui s’est passé dans l’école de Yako en vue d’une sanction disciplinaire à la hauteur de la gravité des faits. Mais il ne s’agit là que de la partie administrative de l’affaire.
Car le directeur qui a eu l’oreille endommagée est tout à fait en droit de porter plainte pour que son agresseur soit condamné, voire qu’il lui verse des dommages et intérêts. Sous réserve de ce qu’en dira éventuellement la justice, je trouve particulièrement grave cet acte de violence au sein d’une école. En effet, les trois missions de l’école déclinées ci-dessus ont, selon toute apparence, été superbement ignorées par l’agresseur.
Comment peut-il s’absenter de son service et refuser que son directeur lui demande des comptes ? Qu’ont appris les élèves pendant son absence ? Oublie-t-il que son salaire mensuel lui est versé pour un travail à accomplir auprès des élèves ? Est-ce ainsi qu’il entend former les futurs citoyens de notre pays à entrer dans la vie active pour assumer des responsabilités au plan professionnel ?
Et que dire de l’ignominie d’une telle agression dans l’enceinte d’une école ! Est-ce en mordant l’oreille d’un collègue jusqu’à éprouver sur la langue la saveur de son sang qu’on apprend aux enfants la non-violence et le respect des lois ? On entend souvent dire que nos jeunes sont violents. Mais qu’en est-il en réalité des adultes comme cet enseignant qui, à en juger au résultat sur la photo, donne l’impression d’avoir entrepris de s’exercer au cannibalisme ? Comme dit le proverbe : « Les chiens ne font pas des chats ! ».
Il faut nous rendre à l’évidence : les enfants ne font souvent que reproduire la violence que les personnes censées les éduquer leur montrent au quotidien. Si nous voulons une société pacifique, arrêtons ce genre de comportement, car les jeunes nous regardent pour apprendre la vie ! Et si nous voulons construire une société où la conscience professionnelle et le goût du travail bien fait sont de rigueur, mettons fin à l’abandon sans permission des missions qui nous sont confiées ! Car nous sommes payés pour les accomplir et non pour nous récompenser d’avoir fait des études.

Denis Dambré
Proviseur e lycée (France)
Kaceto.net